LA SAVEUR DU TRAVAIL

Edito
27/04/2023

À l’heure où la retraite fait couler beaucoup d’encre, certaines professions ne semblent pas affectées par deux années qu’il faudrait ajouter à leur vie professionnelle. Car lorsque le travail se mêle à la passion, les années n’ont visiblement pas la même saveur.

Il suffit de rencontrer Jacques Chibois (l’Album du Chef) pour s’en convaincre. À bientôt 71 ans, il affiche la vigueur d’une prime jeunesse et insiste sur le fait qu’il n’est toujours pas usé par son métier. Et nous pourrions aussi citer Joël Robuchon, qui en son temps avait tenté la retraite à 50 ans pour finalement revenir aux fourneaux. Paul Bocuse aussi n’était jamais loin de ses cuisines… Alain Ducasse, bientôt 70 ans, vient de renouveler pour 5 annéesr supplémentaires son partenariat avec l’hôtel Le Meurice à Paris, ou mieux encore Michel Guérard qui vient de souffler ses 90 bougies.

La nouvelle génération n’a peut-être pas les mêmes préoccupations, mais l’envie d’entreprendre est intacte. Médiatisé par sa participation à l’émission « Top Chef », Pierre Chomet vient d’ouvrir avec son épouse Cristina le restaurant Ambos, face au Sénat à Paris. Une table dans l’air du temps où les assiettes sont un savoureux mélange de cultures.

Thibaut Ruggeri, Bocuse d’Or 2013, aurait quant à lui plutôt tendance à fuir les projecteurs et à prendre son temps. Après 6 années au Taillevent, et autant chez Lenôtre, il fêtera en 2024 ses 10 ans à la direction des cuisines du restaurant de l’abbaye royale de Fontevraud. À la fois, me direz-vous, comment ne pas prendre son temps dans un lieu empreint d’autant de sagesse et de spiritualité ?

Après un parcours étoilé, Baptiste Denieul a choisi de revenir aux sources, sur ses terres bretonnes, pour transformer il y a 10 ans la crêperie de ses parents en table gastronomique. Il s’applique depuis à faire vivre sa maison avec une  passion inaltérée, accompagné de son épouse Marion. Et s’il se voit changer de vie d’ici une quinzaine d’années, ce n’est pas pour arrêter, c’est simplement pour exercer son métier différemment.

Hasnaâ Ferreira aussi est animée par son métier, envoûtée par le chocolat, au point de s’être reconvertie à 30 ans pour vivre de sa passion. Car, raconte-t-elle dans l’Album du Pâtissier, elle ne se voyait pas dissocier vie professionnelle et personnelle. À ses yeux, le travail et la vie ne font qu’un. Depuis bientôt 10 ans, elle transforme au quotidien cette matière qu’elle affectionne pour offrir aux Bordelais des tablettes et des bonbons de chocolat d’exception.

Pierre Mathieu est également revenu dans sa ville natale lorsqu’il a voulu ouvrir sa boutique. Après plusieurs années comme chef pâtissier du Mandarin Oriental Paris, il est aujourd’hui à la tête de deux points de vente, et s’oriente désormais vers l’ouverture d’une troisième boutique.

J’aurai pour terminer une pensée pour Jacques Maximin, cité par Jacques Chibois dans son interview, qui à 73 ans est incapable de s’arrêter, poussé par une profonde envie de transmettre son métier à la nouvelle génération. Alors finalement, doit-on compter le nombre d’années qui nous séparent de la retraite ou s’épanouir chaque jour dans un métier plaisir.

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